Le Xia, chef économiste Asie chez BBVA, analyse la relation économique entre Hong Kong et la Chine (Dossier spécial « 20 ans en Chine » )

(Available in English) Le Xia, chef économiste Asie chez BBVA basé à Hong Kong, analyse la relation économique entre Hong Kong et la Chine depuis 1997. Il fait également le point sur les futurs défis qui attendent le Port au parfum au cours de la prochaine décennie.

« La relation économique entre la Chine et Hong Kong va se renforcer. L’économie chinoise est si vaste. Elle agit comme un aimant. »


Le PIB de Hong Kong a progressé de 82 % depuis 1997. Quelle en est la raison principale ?

La relation d’affaires plus intégrée avec la Chine continentale a joué un rôle décisif dans la croissance cumulée fulgurante du PIB de la HKSAR (Hong Kong Special Administrative Region) au cours des deux dernières décennies. L’activité de Hong Kong connaît toujours ses propres cycles, toutefois nombre de ses composantes sont étroitement liées à la dynamique chinoise. L’introduction du CEPA (Closer Economic Partnership Agreement) * en juin 2003 – tandis que Hong Kong subissait de plein fouet l’épidémie de SRAS – a constitué l’un des principaux moteurs de renouveau et de progression des revenus de la région. Les services (près de 93 % du PIB de la HKSAR à ce jour) étaient déjà une constituante majeure de l’économie de Hong Kong en 1997. Cependant, au cours des dix dernières années, leur teneur et leur expansion se sont associées au développement de l’activité chinoise. Les trois piliers des services hongkongais, dont la structure s’est largement adaptée à la demande de la Chine continentale, sont le commerce (près de 23 % du PIB), la finance (17,5 % du PIB) et l’immobilier (près de 11 % du PIB).

Comment expliquez vous l’engouement des Chinois continentaux pour Hong Kong lorsqu’il s’agit de faire des affaires ?

Les Chinois continentaux ont pris le réflexe de choisir Hong Kong comme première étape lorsqu’ils souhaitent tisser des liens d’affaires avec l’extérieur. Ils savent qu’ils pourront y rencontrer les interlocuteurs internationaux qu’ils recherchent, tout en trouvant toute la gamme de services dont ils ont besoin. De plus, ils évoluent dans milieu culturel dans lequel ils se sentent en confiance. Ils apprécient aussi le système juridique de Hong Kong, reconnu à l’international, et, qui leur semble moins instable que le leur. Les restrictions de sortie de capitaux en vigueur sur le Continent expliquent également pourquoi les entreprises chinoises choisissent d’utiliser des entités hongkongaises pour lever des capitaux destinés à leur déploiement international. L’activité de fusions et acquisitions de Hong Kong profite d’ailleurs nettement de ce contexte, surtout depuis que la Chine dépasse les États-Unis en volume dans ce domaine (219,3 milliards de dollars d’accords annoncés en 2016).

La relation économique avec la Chine continentale va-t-elle se renforcer ?

Je le pense. Le gouvernement de la HKSAR s’essaie à quelques tentatives de diversification de l’activité mais l’économie chinoise est si vaste. Elle agit comme un aimant. Les synergies avec Shenzhen, en particulier, devraient s’approfondir. Les échanges de talents devraient se renforcer ainsi que les investissements croisés. Hong Kong (7,5 millions d’habitants) demeure la place de financement d’excellence tandis que Shenzhen (près de 12 millions d’habitants), qui pourrait être qualifiée de « Silicon Valley » chinoise, abrite les sièges sociaux de nombre de grandes entreprises des nouvelles technologies, en l’occurrence ceux de Huawei, Tencent, BGI, ou ZTE.

Où se situe Hong Kong dans la Route de la soie du 21ième siècle ?

Hong Kong joue plusieurs rôles clés dans cette initiative de la Chine, dont celui de plate-forme de financement. Place financière internationale de premier plan et centre mondial de renminbi « offshore » (CNH), le Port au parfum dispose des expertises pour lever les capitaux en dollars mais aussi en devise chinoise. La HKSAR sait coordonner, syndiquer, valoriser les projets, couvrir les montants de dette émise, apporter des services de conseil, de « due diligence », de comptabilité, de droit des affaires, etc. Hong Kong espère aussi récupérer quelques activités opérationnelles (notamment la trésorerie) de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), dont elle est membre. La deuxième mission de Hong Kong est celle de mettre en relation, de faciliter les discussions entre les divers acteurs de l’Empire du Milieu et internationaux quant aux diverses coopérations envisagées. Afin de resserrer les liens entre Hong Kong et les pays de l’OBOR (« One Belt, One Road »), le gouvernement de la HKSAR a même alloué une partie du budget 2016-2017 au financement de programmes d’échanges d’étudiants (âgés entre 15 et 29 ans) organisés par des organisations gouvernementales.

Le renminbi pourrait-il remplacer le Hong Kong dollar ?

Pas pour l’instant. Une telle décision, éminemment politique, devrait répondre à une nécessité. Or, à l’heure actuelle, la Chine continentale, dont la devise n’est pas totalement convertible, a justement besoin du Hong Kong dollar pour se positionner à l’international. Tant que les marchés de capitaux chinois ne seront pas totalement libéralisés, la HKSAR continuera de jouer son rôle de « super connecteur » avec le reste du monde, en conservant sa propre devise liée au billet vert (« peg ») (dans une fourchette allant de 7,75 à 7,85 Hong Kong dollar pour un dollar américain).

Quels est le défi majeur de Hong Kong pour la décennie à venir ?

Réduire les écarts de revenus qui continuent de progresser. D’après le Census and Statistics Department, le coefficient de Gini de Hong Kong, basé à partir des revenus mensuels des ménages en 2016, s’est établi à 5,539. (Le coefficient de Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite et 1 signifie une inégalité parfaite.) A titre comparatif, le coefficient de Gini de Singapour s’est élevé à 0,458 l’année dernière, ou, à 0,296 en France en 2015. L’une des façons de limiter cet accroissement des inégalités est de rendre la vie plus abordable, en particulier l’accès des ménages à l’immobilier. C’est sans doute le défi majeur qui attend le gouvernement de la nouvelle « chief executive » de la HKSAR, Carrie Lam. Jusqu’à présent, les mesures prises afin de limiter la flambée des prix immobiliers n’ont pas réellement fonctionné. Il est vrai que la tâche n’est pas aisée, face à une demande immobilière toujours soutenue, tant dans l’immobilier résidentiel que de bureaux.


* CEPA (Closer Economic Partnership Agreement) : Introduit en 2003, cet accord de libre échange a été conclu entre la Chine continentale et le Port au parfum afin d’accélérer l’intégration économique entre les deux systèmes. Il confère de multiples avantages (tarification, commerce, investissement) aux entreprises, en particulier aux fournisseurs de services de Hong Kong, qui souhaitent pénétrer les marchés chinois. Son périmètre a encore été élargi tout récemment (le 28/06/2017), afin de promouvoir les coopérations économiques et techniques entre les deux marchés et d’y faciliter les investissements respectifs. http://www.tid.gov.hk/english/cepa/index.html

En savoir plus sur le CEPA : https://www.lazuli-international.com/dossier-special-libre-echange-en-chine-dickson-ho/


 Dossier spécial « 20 ans en Chine »

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