Chine, un PIB de transition avant d’entrer de plain pied dans la coupure des surcapacités

CapdeChine PIB premier semestre 2016Ceux qui, en juillet 2015, en plein krach boursier des actions A (cotées en Chine continentale), avaient perdu leur sang froid et prédisaient « un atterrissage brutal » de l’économie chinoise ont encore tort : Au premier semestre 2016, la croissance du PIB chinois s’est établie à 6,7 % d’une année sur l’autre, bénéficiant même d’une accélération au deuxième trimestre. Au cours de cette période, la croissance trimestrielle a été de 1,8 %, à comparer à 1,2 % au premier trimestre (par rapport au dernier trimestre de 2015). Même si cette performance s’est accompagnée d’une montée notable du crédit, elle n’en demeure pas moins remarquable. Elle s’est effectuée dans un environnement extérieur des plus maussades, notamment marqué par les incertitudes concernant l’activité venant d’Europe (liées au « Brexit »). Inévitablement, cette atmosphère délétère a pesé sur les exportations chinoises et celles-ci ont baissé de 2,1 % en valeur (au premier semestre). A cet égard, il est intéressant de noter que l’export chinois se renforce déjà en direction de certains pays situés le long de la « Belt and Road » (Route et Ceinture de la soie du 21ième siècle), tels le Pakistan, la Russie, le Bangladesh, l’Inde ou l’Égypte. Les exportations chinoises y ont progressé respectivement de 22,5 %, 16,6 %, 9 %, 7,8 % et de 4,7 %.

La consommation des ménages au rendez-vous

S’il fallait ne citer qu’une seule bonne surprise des chiffres d’activités du premier semestre 2016 en Chine, ce serait sans doute la poursuite de l’expansion des ventes au détail des biens de consommation, à un taux de 10,3 % d’une année sur l’autre. Au cours des six premiers mois de l’année, les ventes au détail en ligne ont atteint 2 236,7 milliards de yuan, en croissance de 28,2 % d’une année sur l’autre. Parmi elles, les ventes au détail de biens physiques se sont élevées à 1 814,3 milliards de yuan, en hausse de 26,6 %, représentant 11,6 % du total des ventes au détail du pays. In fine, à la fin du premier semestre, les dépenses de consommations ont représenté 73,4 % du PIB chinois, gagnant 13,2 points de pourcentage par rapport à la même période de l’année dernière.

Un tel rythme de progression des ventes au détail est-il soutenable ? Au cours des derniers mois, « les ventes au détail des biens de consommation se sont accrues plus rapidement que le revenu disponible (en augmentation de 8,7 % au premier semestre, d’une année sur l’autre). Il est donc difficile d’imaginer une accélération de la consommation encore plus forte à l’avenir, » commente Xingdong Chen, chef économiste Chine de BNP Paribas.

Il est vrai que l’accentuation récente du rééquilibrage de l’économie chinoise en faveur de la consommation des ménages a été fortement stimulée par les autorités chinoises depuis le début de l’année, en particulier via une politique relâchée du crédit auprès des particuliers. Ce faisant, ceux-ci ont été incités également à investir en immobilier. Ils le seront sans doute nettement moins dans les mois prochains car nombre de grandes agglomérations réinstallent des mesures de restrictions destinées à contrôler la frénésie acheteuse immobilière actuelle. A titre indicatif, en juin, les prix des maisons des 70 plus grandes villes de Chine se sont appréciés de 7,3 % en un an. A Shenzhen, les prix des maison ont flambé de 46,7 %, à Xiamen de 33,6 %, à Shanghai de 27,7 %, et à Pékin, de 20,3 %.

Quoi qu’il en soit, les services ont continué de gagner du terrain. Au deuxième trimestre, l’activité de l’industrie tertiaire a crû de 11,5 % d’une année sur l’autre. Une récupération de l’industrie secondaire (construction, secteurs manufacturiers) peut être signalée aussi, avec une production s’accroissant de 6,2 % annuellement en juin.

L’investissement privé se fait attendre

L’ombre au tableau du PIB chinois du premier semestre réside dans la décélération de l’investissement privé. Sa progression n’a été que de 2,8 % d’une année sur l’autre (contre 10,1 % en 2015, ou 18 % en 2014), freiné par la restructuration de l’industrie manufacturière et en particulier du secteur minier. L’un des risques de cette tendance est qu’elle se propage aux autres secteurs. Conscient de cette situation, le « State Council » (gouvernement central) a lancé une investigation au niveau national et devrait initier de nouvelles mesures de relances destinées à dynamiser l’investissement des entreprises privées.

En comparaison, les investissements des entreprises d’État (SOE) ont atteint 9 108,9 milliards de yuan, soit une croissance de 23,5 %, participant activement au soutien de l’activité des gouvernements locaux. Plus spécifiquement, les investissements en infrastructures (hors production et approvisionnement d’électricité, énergie thermique, gaz et eau) se sont accrus de 20,9 % (à 4 908,5 milliards de yuan). Quant aux investissements totaux dans les tout nouveaux projets, ceux-ci se sont élevés à 24 020,2 milliards de yuan au cours des six premiers mois de l’année, en hausse de 25,1 % d’une année sur l’autre.

Le début des grandes restructurations industrielles

Qu’attendre des mois à venir ? Une donne différente de celle du premier semestre, sans doute moins florissante au niveau de l’activité, tandis que la Chine entre de plain pied dans la lutte drastique contre ses surcapacités. Critiquant la faible avancée de la réforme destinée à améliorer l’offre au niveau national, Pékin a indiqué aux officiels locaux qu’ils seraient tenus responsables de leur inaction quant à la réduction des surcapacités industrielles installées sur leur territoire.

Afin de les y épauler, un fonds (d’État) de compensation de 100 milliards de Renminbi a été mis en place, dont 27,64 milliards devraient être alloués en 2016 et 2017 aux employés délaissés des secteurs ciblés en premier. Xu Shaoshi, président de la National Development and Reform Commission of the People’s Republic of China (NDRC), a précisé, lors du Davos d’été à Tianjin, le 27 juin 2016, que le gouvernement s’engageait à couper la capacité de production de charbon du pays de 280 millions de tonnes et celle de fer et d’acier de 45 millions de tonnes dès 2016. Cette initiative pourrait affecter dès cette année 700 000 travailleurs dans le secteur du charbon et 180 000 dans le secteur du fer et de l’acier.

L’annonce de la fusion, dès le 27 juin, des deux gigantesques SOE du secteur de l’acier chinois, Bao Steel et Wuhan Steel, est donc loin d’être anodine. Cette opération devrait conduire à la création d’un acteur géant, premier groupe de l’acier en Chine et numéro deux mondial, avec une capacité de production de plus de 60 millions de tonnes. Surtout, cette fusion est considérée comme l’occasion d’engager une réorganisation colossale des activités des deux entreprises, en passant par la suppression des produits bas de gamme, une montée en gamme technologique, une ré-allocation des ressources et une rationalisation des effectifs. Cette étape sera scrutée de très près, notamment par les observateurs étrangers qui ne manqueront pas de vouloir vérifier la capacité chinoise à créer un nouveau champion compétitif.


* La méthode de calcul du PIB de la Chine a été modifiée. Le National Bureau of Statistics of China a décidé d’inclure dans sa formule les dépenses en recherche et développement, afin de « mieux refléter la contribution de l’innovation à la croissance économique et de promouvoir l’intégration de la comptabilité chinoise aux standards internationaux. » Cette intégration a peu d’effets en termes comparatifs. Sans prendre en compte ce changement, la croissance du PIB du premier semestre s’établit également à 6,7 %. En revanche, l’application de la nouvelle méthode conduit à un ajout de 218,4 milliards de yuan au PIB du premier trimestre 2016 (à 16 071 milliards de yuan).


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Source : National Bureau of Statistics of China