La Chine, désormais deuxième capitalisation boursière du monde

Les cCapchine12ours de bourse des actions A (« A shares », cotées en Chine continentale, à Shanghai et Shenzhen libellées en renminbi) renouvelleront-ils leur ascension impressionnante de 2014 ? Le pari semble audacieux tant le record paraît, à première vue, difficile à battre.

Les Actions A les plus performantes du monde en 2014
L’année dernière, les marchés de Chine continentale ont été « les plus performants du monde, » observe Karine Hirn, fondatrice associée d’East Capital basée à Hong Kong. Tandis que le Shenzhen Stock Exchange Composite Index s’est apprécié de près de 39 %, le Shanghai Composite Index a bondi de 65,3 % ! « La Chine est désormais le deuxième plus grand marché mondial en terme de capitalisation boursière, dépassant le Japon, » relève Karine Hirn.

Rallye euphorique
La plus grande partie de l’appréciation des valorisations chinoises s’est effectuée dans la deuxième partie de l’année. Le rallye « a été alimenté par un cocktail de facteurs. L’anticipation d’une amélioration des fondamentaux économiques, le changement de sentiment des investisseurs vis à vis du marché chinois sont liés à la baisse des taux directeurs de la Banque populaire de Chine (PBOC) (le 21 novembre 2014), à l’effervescence suscitée par l’introduction en Bourse d’Alibaba – la plus grosse de l’histoire – entraînant une revalorisation en chaîne des sociétés de son secteur, mais aussi au lancement du Shanghai-Hong Kong Stock Connect (le 17 novembre 2014) » détaille Peter Marber, responsable marchés émergents chez Loomis, Sayles & Company. « Tout ceci a créé une excitation à l’achat jamais vue depuis quelques années, tant chez les institutionnels qu’au sein du « retail » (distribution bancaire) en Chine continentale » commente-t-il.

La fièvre de l’effet de levier refroidie
Un terreau fertile à la fièvre spéculative, alimentée par un recours frénétique aux opérations de trading sur marges, via des comptes permettant à leurs détenteurs d’acquérir des titres à crédit, et par conséquent en plus grand nombre. D’ordinaire réservé aux investisseurs solides, ce service a été offert à nombre de petits porteurs. Inquiet de la dimension de ces excès, le régulateur chinois a décidé de calmer ce jeu ravageur en cas de retournement de tendance. Le 19 janvier, Citic Securities, Haitong Securities et Guotai Junan Securities ont été interdites de trading sur marges pendant trois mois, tandis que neuf autres sociétés financières ont été sanctionnées.

L’attrait des réformes
L’enthousiasme de 2014 va-t-il survivre à ces nouvelles règles du jeu ? Sans doute – la Bourse de Shanghai est repartie à la hausse dès le 20 janvier – mais, la croissance du PIB n’en sera pas le moteur.
Raymond Ma, gérant de fonds chez Fidelity, indique, par exemple, que la Chine « acceptera cette année une nouvelle norme de croissance économique ralentie, autour de 7% ». Pour sa part, Francis Cheung, responsable de la stratégie d’investissement en Chine et à Hong Kong pour CLSA Asia-Pacific Markets, estime que « l’objectif de croissance du PIB chinois sera inférieur à 7 % en 2015, et de 6,5 % pour le treizième plan quinquennal (2016-2020). »
Les investisseurs qui, pour la plupart, ont largement anticipé cette donne, se soucieront surtout de la mise en œuvre effective de réformes. Ce seront les initiatives réformatrices qui soutiendront le sentiment de marché. « Lors de la première année de son règne, le président, Xi Jinping, a dévoilé sa vision. La deuxième a été dominée par une rhétorique anti-corruption, qui a permis de construire un consensus général favorable à l’introduction de réformes ou à l’accélération de leurs applications. Celles-ci devraient être renforcées au cours de la troisième année, en l’occurrence en 2015, » explique Jing Ning, gérante de portefeuille de Fidelity.
Parmi les transformations les plus attendues figure celle du foncier agricole, « afin de construire un secteur agricole moderne, capable d’assurer la sécurité alimentaire du pays » commente Jing Ning. La poursuite des réformes des entreprises détenues par l’Etat, SOE (State-owned enterprise) afin de les rendre plus compétitives, ou budgétaire, destinée à assainir les finances publiques tout en réduisant l’endettement des collectivités locales, seront également scrutées avec attention.

Fascination pour la nouvelle économie
Les investisseurs surveilleront aussi l’expansion des secteurs d’activité prometteurs « des entreprises de la nouvelle économie chinoise, » portées par une capacité d’innovation fascinantes (à l’instar d’Alibaba), s’adressant à un public de plus en plus large de consommateurs insatiables. « Malheureusement, les cours de ces actions des technologies chinoises sont régulièrement enclines à des fluctuations sauvages. Choisir le bon moment pour investir est primordial,  » met en garde Peter Marber. L’avantage de « la nouvelle économie chinoise » est « d’être moins sensible à la volatilité de la macroéconomie et aux changements de politiques économiques ou monétaires à court terme, » tempère Raymond Ma.

Le pari de l’expansion rapide de l’assurance
Investir dans des domaines encore sous représentés en Chine Continentale, amenés à croître considérablement en accompagnant la transformation structurelle de l’économie, est également une stratégie prisée par nombre d’observateurs. C’est ainsi que Dominic Chan, chez BNP Paribas, conseille de renforcer l’exposition à l’assurance. Elle devrait bénéficier d’une « amélioration du retour sur investissement et d’un fort accroissement de la valeur de ses nouvelles activités VONB (value of new business). » La Commission de contrôle des assurances de Chine (CCAC) a estimé (en juillet 2014) que la pénétration de l’assurance vie devrait représenter 5 % du PIB d’ici à 2020, à comparer à 3 % à l’heure actuelle, et à 6,5 % en moyenne mondiale. La CCAC prévoit que, dans cinq ans, les Chinois paieront des primes d’assurance d’en moyenne 3 500 yuan (contre 1 200 yuan aujourd’hui), propulsant la Chine au deuxième rang des plus grands marchés de l’assurance, juste après les États-Unis. A l’heure actuelle, « le total des actifs du secteur de l’assurance, de 8,9 billions de renminbi, représente moins de 6 % du total des actifs de l’industrie financière chinoise, » remarque Dominic Chan. Le potentiel de développement de la filière assurance chinoise est indiscutable.

Une pincée d’immobilier pour les audacieux
La croissance n’est pas le seul thème joué par les gérants d’actifs. La reprise des secteurs pénalisés en 2014 les intéresse et certains se repositionnent déjà sur l’immobilier. Wee Liat Lee, chez BNP Paribas, recommande d’acquérir quelques titres de promoteurs, « dès lors qu’ils opèrent dans les villes de Chine où les prix peuvent repartir en 2015. Nous anticipons une stabilisation dans 30 à 40 villes mais pas plus. Quelques 15 à 20 villes de Chine Continentale pourraient profiter de hausses de prix modérées.» Il s’agit de celles qui, comme Beijing, Shanghai, Shenzhen, ou Guangzhou, sont dotées d’un marché immobilier plus équilibré en termes d’offre et de demande, avec moins de surcapacités. Les mesures de relance immobilière du gouvernement prises à l’automne 2014 (dont la baisse des taux d’intérêt de la People’s Bank of China (PBOC) le 21 novembre) ont permis d’y enclencher une baisse du coût de financement, avec une diminution des taux hypothécaires proposée par les banques aux primo-accédants. « Les villes les plus peuplées, « Tier 1 » et « Tier 2 », sont celles où, après avoir touché le fond, la remontée des volumes de transactions est la plus visible, » constate Wee Liat Lee.

A la porte du MSCI
Au delà des paris sectoriels, une nouvelle susceptible de provoquer un accroissement notable des volumes d’achats en actions A est « leur intégration aux indices MSCI. Une annonce pourrait avoir lieu en 2015, cependant une date d’insertion pourrait intervenir bien plus tard, » indique Karine Hirn. Même si l’accès à la Bourse de Shanghai est désormais facilité grâce au Shanghai-Hong Kong Stock Connect, l’intégration des actions A au MSCI ne paraît pas imminente : « Elle s’effectuera un jour, mais nous n’avons pas fixé de date. D’abord, nous observerons de près l’évolution des échanges sur le Shanghai-Hong Kong Stock Connect, » a déclaré Chin Ping Chia, managing director et responsable de la recherche chez Morgan Stanley Capital International, à l’occasion de l’Asian Financial Forum (du 19 et 20 janvier). L’année de la Chèvre promet d’être riche en rebondissements mais aussi décisive sur plusieurs fronts.

(Publié sur www.lefevrefinance.fr ; Sylvain Lefevre Finance)