Hong Kong, à la conquête de nouveaux relais de croissance

Pour Hong Kong, 2017 a tout l’air d’une année charnière. D’abord, parce que la Région Administrative Spéciale de Hong Kong (HKSAR) s’apprête à entrer dans une nouvelle ère, après l’élection d’un nouveau « Chief Executif » le 26 mars 2017, puisque Leung Chun-ying (CY Leung) ne se représente pas. Actuellement, cinq candidats sont en lice, Carrie Lam Cheng Yuet-ngor (ancienne « Chief Secretary » du gouvernement), John Tsang Chun-wah (ancien « Financial Secretary » du gouvernement), la parlementaire Regina Ip Lau Suk-yee, le juge à la retraite, Woo Kwok-hing, et, Wu Sai-chuen (ancien membre du parti pro Pékin). Le deuxième indicateur de changement de cap du Port au parfum est la forte volonté de ne pas réitérer le taux de 1,5 % de croissance du PIB de 2016. Il s’agit de l’une des plus basses progressions annuelles de l’activité à Hong Kong depuis sa rétrocession à la Chine, il y a aura 20 ans le premier juillet 2017.

Deux moteurs en perte de vitesse

Le coup de frein de 2016 s’explique par la perte de vitesse de deux des moteurs traditionnels de l’économie du Port au parfum, l’exportation et le tourisme. Les visiteurs ont boudé la HKSAR en grande partie en raison d’un taux de change désavantageux (la monnaie hongkongaise est arrimée au dollar, qui s’est fortement apprécié par rapport au renminbi). Conséquence, la valeur des ventes au détail a chuté de 8,6 % d’une année sur l’autre pour la période allant de janvier à novembre 2016. A la même époque, les exportations de marchandises se sont contractées de 1,5 % d’une année sur l’autre. En cause, la faiblesse des échanges de marchandises au niveau mondial et le ralentissement de certaines activités dans le Guangdong, où nombre d’entreprises de Hong Kong ont étendu leur base industrielle. En 2015, 28,5 % des exportations totales de la HKSAR vers la Chine continentale étaient liés à ce phénomène. Pour 2017, Hong Kong n’attend pas mieux en termes d’exportations, anticipant en outre des tensions commerciales avec les États-Unis à la suite de l’élection de Donald Trump, dont la communication fait craindre une vague de protectionnisme. A titre indicatif, la Chine continentale, l’Union européenne, les États-Unis, la zone Asean, l’Inde et le Japon représentent respectivement 54 %, 9 %, 9 %, 7 % , 3 % et 3 % du total des exportations de Hong Kong.

Appelée à contribuer au financement de l’économie « verte » chinoise

Comment compenser le manque à gagner venant du déclin touristique et de la baisse des exportations (en particulier de services) ? « Hong Kong doit renforcer sa diversification, » estime Tim Freshwater, chairman, Goldman Sachs Asia Bank Limited (s’exprimant à l’Asian Financial Forum de Hong Kong des 16 et 17 janvier 2017). Pour l’heure, les quatre piliers de son économie sont le commerce et la logistique (plus de 22 % du PIB), les services financiers (17,6 %), le tourisme (5 % du PIB) et les services professionnels (12,4 %). En tout, les secteurs des services comptent pour plus de 90 % du PIB de la HKSAR. « L’industrie hongkongaise doit travailler encore plus à sa montée en gamme, cibler la haute valeur ajoutée, ce que Shenzhen a beaucoup entrepris, » ajoute Tim Freshwater.

En suivant cette piste, Hong Kong a, selon lui, une carte maîtresse à jouer dans la « finance verte », en se chargeant du financement des émissions « vertes » envisagées par la Chine : « Un effort massif de financement des infrastructures vertes va se produire. C’est une occasion fabuleuse pour Hong Kong. » Effectivement, le Port au parfum, premier centre mondial de renminbi offshore, dispose de tous les types de services financiers pour répondre à cette future demande exponentielle. Il sait réaliser des émissions de dettes à des prix attrayants, couvrir des financements en devises, syndiquer, excelle dans le financement de projets à long terme, etc. Sans compter l’avancée du projet « Bond Connect », facilitant l’accès au marché des obligations « onshore » de Chine continentale, « que nous verrons fonctionner prochainement, » indique Tim Freshwater.

Cette suggestion n’est pas une simple vue de l’esprit. Lors de la conférence de l’AFF destinée à débattre du développement de « l’économie verte » en Chine, Liu Yanhua, counsellor du State Council of the People’s Republic of China, ancien vice ministre du Ministry of Science and Technology (MOST) a déclaré : « Nous avons une très grande motivation mais nous manquons de services en matière de « finance verte ». » Faisant un appel du pied manifeste à Hong Kong, Liu Yanhua a ajouté : « Nous devons nous connecter avec Hong Kong, qui dispose de cette capacité. Hong Kong doit apporter ce savoir-faire à la Chine continentale. »

L’OBOR, premiers résultats concrets

Un autre relais de croissance pour la HKSAR est la mise en musique de l’initiative OBOR (« One Belt, One Road » / « Une Ceinture, Une Route »). « Elle va bénéficier à Hong Kong de manière spectaculaire, » assure Frederick Ma, chairman de MTR Corporation Limited (qui gère notamment le métro de Hong Kong), ancien Secrétaire au commerce et au développement économique de la HKSAR. D’après son témoignage, la construction de la Route de la soie du 21ième siècle – maillage immense prévu pour traverser 65 pays et régions (représentant une population de 4,6 milliards) – porte déjà ses fruits. Elle contribue à l’apport de contrats d’affaires venant d’acteurs qui n’étaient pas dans le portefeuille initial de clientèle du groupe qu’il préside. En particulier, certains pays de l’OBOR s’intéresseraient beaucoup à la MTR Academy, lancée l’année dernière, présidée depuis mai 2016 par Morris Cheung (auparavant directeur des affaires européennes de MTR Corporation). Cette nouvelle entité propose des programmes de formation sur la filière ferroviaire, allant des technologies d’ingénierie à la gestion des opérations. L’un de ses objectifs est de trouver des partenaires locaux ou étrangers afin d’offrir des programmes accrédités communs (à l’intérieur ou à l’extérieur de Hong Kong) et procéder à de la recherche en matière ferroviaire. « Si nous voulons bénéficier de l’OBOR, nous devons sortir et ne pas se contenter de rester à l’intérieur de Hong Kong. Nous devons voyager, aller découvrir quels sont les besoins à l’extérieur, » insiste Frederick Ma.

Accélérer l’aventure Fintech

Un troisième axe prometteur, exploité par Hong Kong depuis 2015, est celui du développement des Fintechs. De nombreuses initiatives en la matière ont été prises au cours de ces deux dernières années, tant privées que publiques, appuyées par la forte mobilisation d’entrepreneurs passionnés venus des quatre coins du monde pour participer à l’aventure. Guidés par le très compétent InvestHK, organisme du gouvernement de la HKSAR chargé de déployer les investissements étrangers (https://www.lazuli-international.com/dossier-special-fintech-a-hong-kong-rencontre-avec-charles-ng-directeur-general-associe-de-investhk-3/), ceux-ci bénéficient d’un réseau d’infrastructures efficace, d’espaces de travail en commun (« coworker spaces ») faciles d’accès. Ils profitent aussi de programmes de mentorats professionnels (tels Nest.vc, Supercharger, le Fintech Innovation Lab Asia-Pacific, l’Innovation Node, etc.), un levier indéniable. Les témoignages de ceux qui les suivent sont positifs. Ils disent y trouver des conseils judicieux en marketing, en communication, en développement commercial ainsi que des soutiens réels à la recherche de financement. Toutefois, certains appellent le gouvernement à créer un fonds de capital risque identifiable, uniquement destiné aux Fintechs en démarrage (« early stage »), à l’image de ce que Singapour entreprend.

Dorénavant, l’expansion des sociétés des technologies de la finance du Port au parfum doit passer à l’étape supérieure. La HKSAR doit adapter son rythme de croisière à celui de la Chine continentale qui a effectué des pas de géants dans le domaine. La Chine y a investi 8,8 milliards de dollars entre juillet 2015 et juin 2016 (un bond de 252 % depuis 2010), à comparer à 4,6 milliards de dollars pour l’Amérique du Nord et 1,85 milliard de dollars pour l’Europe (selon les données de DBS et de EY). Maintenant que nombre d’entreprises chinoises savent vendre des microcrédits, de l’assurance, des services financiers par voie numérique, la Chine regarde avec grand intérêt l’intelligence artificielle, l’exploitation des « Big datas » (données volumineuses ») sous toutes ses formes.

Porte d’entrée de l’Occident vers l’Empire du Milieu et inversement, Hong Kong ne peut fermer les yeux sur de tels besoins. Cette donne explique que les collaborations entre les deux zones soient fortement encouragées à l’heure actuelle. Le gouvernement de la HKSAR vient ainsi de signer (le 3 janvier) un accord de collaboration avec Shenzhen pour la construction d’un parc technologique frontalier à « Lok Ma Chau Loop ». Réaménagée, cette terre du Port au parfum accueillera des entrepreneurs et des chercheurs sur un espace de 87 hectare.

Il n’est pas question que Hong Kong fasse l’impasse sur le renforcement de ses activités innovantes. La mobilisation en ce sens est très forte, personnifiée par quelques acteurs incontournables de la place, dont, récemment, le HKEX. A l’occasion de la présentation de la mise à jour de son plan de développement 2016-2018, son « chief executive, » Charles Li, a mis l’accent sur sa stratégie destinée à attirer à la Bourse de Hong Kong plus de valeurs technologiques, envisageant la création d’un nouveau compartiment dédié. (https://www.lazuli-international.com/le-hkex-convoite-la-nouvelle-economie/)

Des plans pour 2030, déjà …

Combative, la HKSAR a déjà trouvé quelques solutions pour remédier à sa récente décélération d’activité. Elle doit aussi relever quelques défis structurels. Selon le Census and Statistic Department (C&D), sa population continuera de croître, mais à un rythme moins soutenu. Elle devrait passer de 7,24 millions en 2014 à 8,22 millions en 2043 puis baisser à 7,81 millions en 2064. Le nombre de ménages, quant à lui, devrait atteindre un pic de 2,93 millions en 2044, avant de diminuer à 2,91 millions en 2049, en raison de la réduction de la taille des familles (d’en moyenne 2,9 personnes en 2014 à 2,7 personnes en 2044). Le vieillissement de la population globale est un autre facteur contrariant. La part des plus de 65 ans devrait passer de 15 % en 2014 à 36 % en 2064. De fait, la population active, de 3,6 millions de personnes aujourd’hui, pourrait tomber à 3,11 millions d’ici à 2064. « Ces modifications démographiques, cumulées à l’incertitude concernant le retour ou non des populations non résidentes, vont avoir des conséquences importantes sur notre aménagement foncier et notre infrastructure. Le plan Hong Kong 2030+, soumis à consultation (dont les plans sont rendus publics), décrit des pistes pour adresser ces changements, » indique Paul MP Chan, Secrétaire au développement de la HKSAR.

L’un des axes majeurs de ce plan à 2030 est le rééquilibrage de la distribution de l’espace entre l’immobilier de bureau et celui d’habitation. Il s’avère que 41 % de la population vit dans une zone sans métro, tandis que 76 % des postes de travail se trouvent dans les quartiers connectés par le métro. Partant de ce constat, l’idée est de favoriser l’émergence d’autres centres d’affaires, reliés facilement à des zones d’habitation, plus agréables à vivre et moins denses. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, tout le territoire de Hong Kong n’est pas construit, loin s’en faut. En réalité, la surface construite ne correspond qu’à 28 % de la surface totale de la HKSAR. Les 72 % de terre restante se composent majoritairement de zones vertes, sensibles environnementalement, de réserves naturelles. Plus précisément, la stratégie 2030+ proposée par le gouvernement est guidée par une volonté de « dé-densifier » les zones très peuplées, sans pour autant dés-optimiser les déplacements. « Les Hongkongais passent beaucoup de temps à leur bureau. Il ne faut pas leur rendre la vie désagréable, en provoquant une augmentation du temps de transport. Au contraire, il faut rendre Hong Kong plus agréable à vivre, » estime Paul MP Chan.

In fine, le plan 2030+ se décline en multiples projets immobiliers et logistique d’envergure. Par exemple, il est prévu de construire un pont entre l’Île de Hong Kong et Lantau, des îles artificielles dans les eaux proches de l’île de Kau Yi Chau et de l’abri contre les typhons de Hei Ling Chau, de « faire une meilleure utilisation de la terre sous-utilisée de Mui Mo, » selon Paul MP Chan. La partie nord des Nouveaux Territoires, frontalière avec Shenzhen, également est ciblée. Il est envisagé d’y développer une nouvelle génération de villes à Heung Yuen Wai, Ping Che, Ta Kwu Ling, Hung Lung Hang et Queen’s Hill. Les zones de San Tin et Man Kam To seront aussi réorganisées afin de renforcer le potentiel de leurs entrepôts et de logistique. Cet ensemble de projets devra tenir compte d’un grand nombre de paramètres environnementaux (risques d’affaissement de terrain, espèces en danger d’extinction, pollution extrême de la mer, par le bruit, etc.), et c’est sans doute ce qui contribuera à la grande complexité de sa réalisation. Cependant, cet effort « vert » est fondamental, pas seulement pour éviter la fronde des courants écologistes mais pour que Hong Kong conserve son attractivité tout en la renforçant.