Rencontre avec Xavier Farcot, vice-président exécutif de Coface Asie Pacifique, Arbitrage des risques

CapdeChine Xavier FarcotObservateur direct du risque des entreprises chinoises en qualité d’assureur crédit du risque client, Xavier Farcot, basé à Hong Kong depuis 2001, témoigne de l’évolution des pratiques de leurs directions financières.

Adaptez-vous votre analyse du risque client à la nouvelle donne chinoise ?
La transformation de l’économie chinoise est en train de provoquer l’émergence d’acteurs forts mais aussi la disparition d’entreprises. Tous les secteurs seront concernés par la transition en cours et nous ne savons pas combien de temps celle-ci va durer.

Comme il est impossible d’identifier dès aujourd’hui tous les gagnants et les perdants de ce nouveau contexte, nous scrutons les entreprises au cas par cas en analysant leur structure financière. Nous regardons le risque de manière transversale, non plus par secteurs, comme cela était le cas auparavant. Nous sommes très vigilants car les effets d’échelle en Chine sont propices à des phénomènes d’amplitude difficiles à appréhender. Lorsqu’un domaine d’activité prospère, la croissance se répand comme une traînée de poudre. A l’inverse, lorsque le marasme s’installe, les risques peuvent se propager à une vitesse fulgurante tout en se démultipliant.

Quels phénomènes affectent les entreprises qui ne sont plus positionnées sur les secteurs d’avenir ?
Les sociétés fragilisées, notamment dans le secteur de l’industrie traditionnelle lourde, sont affectées par plusieurs phénomènes concomitants. Tout en subissant une baisse considérable de leurs chiffres d’affaires, elles doivent se débarrasser d’importantes surcapacités. Cette situation, qui les a d’abord conduit à s’adonner au « dumping » (baisse des prix de ventes destinée à gagner des parts de marché), n’a fait qu’affecter leur rentabilité.
Simultanément, ces dernières sont contraintes de rembourser les intérêts élevés provenant d’une accumulation de crédits à court terme. Ceux-ci ont été obtenus à foison lorsqu’il était recommandé aux banques traditionnelles – à l’usage administratif du crédit – de les accorder.
Or, la politique bancaire a changé depuis que le gouvernement a publié (l’année dernière) une liste des entreprises à disparaître, investies dans des domaines à faible technologie ou jugés trop polluants… C’est ainsi que les facilités bancaires ont été coupées de manière drastique.
En outre, les exportations ont ralenti en raison de la moindre demande extérieure venant d’Europe ou des États-Unis, ainsi que de certains marchés émergents, eux même ralentis ou en crise.

Les SOE (entreprises détenues par l’État) seront-elles toujours soutenues ?
Toutes les « state-owned enterprises » (SOE) n’en ont pas réellement le statut. Sur le papier, elles sont pléthore (plus de 150 000). Cependant, nous n’en comptons qu’une centaine, positionnées sur des secteur stratégiques, qui seront normalement soutenues par l’État.
En cas d’accidents de parcours, les autres seront gérées comme des entreprises privées, et, éventuellement mises en faillite. Leur risque doit donc être considéré comme tel.
A l’inverse, des sociétés de statut privé, dont certaines étrangères, pourront parfois être épaulées par des gouvernements provinciaux ou locaux en cas de difficultés. Tout dépend de leur importance dans le paysage social ou de leur contribution au développement de l’Empire du Milieu.

Quel est l’effet de la récente dépréciation du Renminbi ?
Un petit coup de pouce à l’export et à la compétitivité. Dans l’environnement actuel de faiblesse des prix des matières premières, le repli du Renminbi par rapport au dollar s’est avéré indolore à l’import. La dépréciation de la devise chinoise au mois d’août est arrivée au bon moment, vécue comme une « promotion de fin de mois ».
Une autre bonne nouvelle pour les entreprises est la poursuite de la baisse des taux d’intérêt, qui réduit la charge de la dette.

Comment évolue la gestion des entreprises chinoises ?
Les nouvelles entreprises chinoises sont gérées différemment. De plus en plus de nouveaux dirigeants ont fait des études à l’étranger ou travaillé a l’international. Ils sont, par conséquent, plus ouverts au monde extérieur.
Qui plus est, des leçons ont été tirées des expériences précédentes. Auparavant, les entrepreneurs chinois se préoccupaient surtout de créer les groupes les plus gros, tout en s’appuyant uniquement sur de l’endettement à court terme utilisé à tout crin, plutôt que de réinvestir les profits réalisés. Cette culture financière du court terme est en train de perdre du terrain.
Les pratiques des directions financières évoluent progressivement, plus soucieuses désormais de développer des structures d’entreprises mieux équilibrées, basées sur des sources de financements diversifiées et sur une appréciation plus fine des risques.
Ce facteur, qui ne va pas sans une amélioration de la transparence, conduit les directeurs financiers à s’intéresser de plus en plus à l’assurance du risque client. Cet élément est porteur pour Coface … dont le premier marché de développement demeure l’Asie.