Le Shanghai-Hong Kong Stock Connect, une ouverture tant attendue

Capchine3La Place de Hong Kong n’est-elle pas la mieux placée pour participer à l’internationalisation du renminbi ? Une illustration récente en est le schéma retenu pour le fonctionnement du Shanghai-Hong Kong Stock Connect, la liaison directe entre les Bourses de Hong Kong et de Shanghai qui devrait être opérationnelle en octobre, très attendue des investisseurs tant étrangers que chinois.

Le Renminbi au cœur du système.

Les ordres des investisseurs « Southbound » autrement dit, les investisseurs basés en Chine continentale (Mainland) souhaitant acheter ou vendre des actions de Hong Kong (du SEHK Securities) – seront placés en Hong Kong dollar mais servis en renminbi. Quant aux ordres des investisseurs « Northbound » – de Hong Kong ou étrangers (« overseas ») qui utiliseront la connexion directe pour acquérir ou céder des actions de la Bourse de Shanghai (SSE Securities) -, ils seront placés et servis en renminbi.

Une première étape…

Puisque toutes les transactions de titres cotés à Shanghai sont traitées en renminbi, les négociations et les règlements des actions de Chine continentale s’effectueront en renminbi, expose HKEx Group (Hong Kong Exchanges and Clearing Limited). Les brokers devront donc s’assurer qu’ils détiennent (ainsi que leurs clients) suffisamment de renminbi pour passer des ordres sur le SSE. D’autant plus qu’au démarrage, la facilité de secours dénommée « RMB Equity Trading Support Facility » ne sera pas disponible pour les transactions réalisées à Shanghai. Opéré depuis 2011 par Hong Kong Securities Clearing Company Limited (HKSCC), ce service permet aux investisseurs d’utiliser du Hong Kong dollar pour acheter les actions listées à Hong Kong qui sont libellées en renminbi. De toute façon, seuls les investisseurs institutionnels ou ceux qui disposent d’un solde compte supérieur à 500 000 renminbi seront autorisés à participer au Shanghai-Hong Kong Stock Connect.

Shanghai-Hong Kong Stock Connect « crée, pour la première fois, un canal praticable par une large palette d’investisseurs, contrôlable et extensible de flux transfrontaliers de renminbi. Cette initiative révolutionnaire fraie la voie à une nouvelle ouverture du compte de capital de la Chine et à l’internationalisation du renminbi » commente HKEx Group (Hong Kong Exchanges and Clearing Limited) dans sa notice destinée aux investisseurs.

« Ce projet traduit beaucoup symboliquement, » analyse avec enthousiasme une gérante d’actions asiatiques hongkongaise, à l’instar de nombreux experts de marchés de la région. Selon elle, « c’est un premier pas, avant de mettre en place d’autres connexions de marchés de ce type. Hong Kong a toujours servi de test, afin de  préparer l’étape suivante. »

…  encadrée pour mieux évoluer

Afin d’éviter dès le départ tout mouvement excessif de capital, les échanges transfrontaliers seront encadrés par des quotas dont les montants sont susceptibles d’évoluer au fur et à mesure de la mise en pratique de la connexion.

Dans un premier temps, un « quota agrégé » (« Aggregate quota »), calculé à la fin de  chaque séance, bornera les flux d’investissements « Northbound », c’est-à-dire vers Shanghai, à 300 milliards de renminbi ainsi que les flux de capitaux sortants « Southbound », vers Hong Kong, à 250 milliards de renminbi. Un « quota quotidien » (« daily quota »), quant à lui, limitera chaque jour la valeur maximum nette des échanges transfrontaliers à 13 milliards de renminbi côté « Northbound », et, à 10.5 milliards de renminbi, côté « Southbound ». En cas de dépassement de quotas, les ordres d’achats seront reportés mais les ordres de vente seront toujours acceptés.

« Nous souhaiterions que les investisseurs aient accès au calcul et à l’utilisation du « daily quota » en temps réel,» espère Eugenie Shen, managing director, à la tête du groupe « Asset management » de l’ASIFMA (Asia Securities Industry & Financial Market Association). En phase de test, les contours du projet de connexion peuvent encore être modifiés.

A ses débuts, le Shanghai-Hong Kong Stock Connect ne permettra pas non plus aux « Northbound » de participer aux introductions en Bourse (IPO, « Initial Public Offering ») à Shanghai. Pour commencer, la liaison directe entre Hong Kong et Shanghai concernera toutes les valeurs des indices SSE 180, SSE 380, les actions des indices Hang Seng Composite LargeCap et Hang Seng Composite MidCap, ainsi que les actions des entreprises à double cotation à Shanghai et à Hong Kong.

Accueillie avec enthousiasme

Malgré ces restrictions, l’univers des actions dans lesquelles il sera bientôt possible d’investir s’élargit considérablement. Qu’ils soient basés en Chine Continentale ou en dehors, les investisseurs apprécient cette initiative qui leur donne largement les moyens de renforcer la diversification de leurs portefeuilles d’actifs.

D’autant plus que les investissements réalisés en passant par le Shanghai-Hong Kong Stock Connect s’effectueront en dehors des programmes QFII (Qualified Foreign Institutional Investor *) et RQFII (Renminbi Qualified Foreign Institutional Investor *). Pour passer un ordre sur la Bourse de Shanghai, « il suffira de contacter un broker basé à Hong Kong. Peu importera d’être installé à Hong Kong, à Londres, à Paris, ou à New York, » commente Mark Austen, chief executive officer de l’ASIFMA.

Le potentiel du Shanghai-Hong Kong Stock Connect n’a pas échappé à la communauté financière d’Asie. C’est l’une des raisons de l’appréciation de la Bourse de Hong Kong et de Shanghai depuis quelques mois. Directement bénéficiaire de l’ouverture de capital chinois et des services autour de l’accélération de l’internationalisation du renminbi, le secteur financier est d’ailleurs l’un des premiers à bénéficier de ce retour en grâce.

Certains analystes financiers prudents de la région s’étonnent même de l’accroissement des volumes d’échange sur le marché d’actions hongkongais, en plein mois d’août. Correspond-t-il à un mouvement spéculatif, qu’il faudrait surveiller? Lorsque cette question lui a été posée, lors de la publication des résultats semestriels du groupe qu’il dirige, Charles Li, « chief executive » de HKEx Group, estimant qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour l’instant, a répondu que « Hong Kong est un marché libre depuis toujours, d’où son succès. Et cette prospérité aide la Chine à réussir » dans ses projets de long terme.

Autre phénomène boursier observé depuis quelques semaines, « les écarts de valorisation entre les sociétés à double cotation à Hong Kong et à Shanghai s’estompent. A moyen terme, Shanghai-Hong Kong Stock Connect pourrait modifier la physionomie des deux places de marché. Tandis qu’à Shanghai, les volumes de trading sont surtout nourris par le « retail » (les investisseurs individuels), à Hong Kong, c’est la présence des investisseurs institutionnels qui domine. Une évolution des préférences et des styles d’investissements n’est pas à exclure,» anticipe Karine Hirn, fondatrice associée d’East Capital basée à Hong Kong.

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QFII (Qualified Foreign Institutional Investor) : Programme lancé en 2002 par la République Populaire de Chine permettant à des investisseurs étrangers, sous réserve de quotas et d’accréditation, d’acheter et de vendre des actions «A» (libellées en yuan, cotées sur les Bourses continentales de Chine, Shanghai et Shenzhen).

RQFII (Renminbi Qualified Foreign Institutional Investor) : Programme lancé en 2011 par la République Populaire de Chine permettant à des investisseurs étrangers qualifiés de placer du yuan offshore en actions, obligations et produits monétaires chinois. Les investisseurs de Hong Kong, du Royaume-Uni, de Singapour, de France, d’Allemagne et de Corée du Sud peuvent adhérer à ce programme.

(Publié sur www.lefevrefinance.fr ; Sylvain Lefevre Finance)