Le Shanghai-Hong Kong Stock Connect, un apprentissage prometteur

Le Capchine10lancement, le lundi 17 novembre, du tant attendu Shanghai-Hong Kong Stock Connect, la connexion entre les bourses de Shanghai et de Hong Kong, a été « impressionnant : A deux heures de l’après-midi, tout le quota d’échanges « Northbound » (de Hong Kong en direction de Shanghai) était consommé, » relate Mark Austen, chief executive officer de l’ASIFMA (Asia Securities Industry & Financial Market Association).

Après l’euphorie du premier jour……
En revanche, les échanges « Southbound » (de Shanghai en direction de Hong Kong) ont été plus modérés. A la fin de première la journée, seulement 17 % du quota maximum des échanges « Southbound » ont été utilisés. « Cet intérêt moindre n’est pas étonnant car les investisseurs de Chine Continentale jouissent déjà, depuis quelques années, de canaux d’investissements alternatifs à l’étranger, » explique l’expert de l’ASIFMA.

Modération des échanges
Phénomène qui interpelle cependant, l’euphorie motrice des échanges « Northbound », observée au démarrage, est retombée au cours des jours d’après. Depuis, les volumes d’actions négociées sont nettement au dessous des quotas quotidiens maximums, et cela dans les deux directions.
Il semblerait toutefois que l’ouverture de la connexion ait contribué à la performance des indices boursiers de Shanghai, sans doute alimentée aussi par la baisse des taux directeurs de la Banque populaire de Chine (PBOC). Intervenue le 21 novembre dernier – presque concomitamment au lancement du Shanghai-Hong Kong Stock Connect – elle a pu inciter à des prises de positions directes d’acheteurs de Chine Continentale.
En définitive, entre le 17 novembre et le 16 décembre, les indices de la Bourse de Shanghai, SSE 180 et SSE 380 se sont adjugés respectivement 27,7 % et 14,8 %. L’indice Hang Seng de Hong Kong a moins brillé, perdant, quant à lui, près de 5 %. Il est vrai qu’en général, l’évolution de la Bourse hongkongaise dépend surtout du sentiment des investisseurs (chinois mais aussi, pour une grande part, internationaux) vis à vis de la Chine. Les marchés asiatiques « ont l’habitude de suivre l’économie et les PMI – en deçà des attentes en 2014 – plutôt que la politique, même si cette dernière est bien accueillie », commente Francis Cheung, responsable de la stratégie d’investissement en Chine et à Hong Kong pour CLSA Asia-Pacific Markets.

Lever d’autres barrières
« L’une des raisons de la déception liée à la faible demande d’échanges via le « Through Train » ( Shanghai-Hong Kong Stock Connect) est l’efficience des marchés, » analyse Francis Cheung qui croit au succès de la connexion à long terme. En flambant de 20 % dans l’anticipation de son ouverture, les actions A (« A shares », cotées en Chine continentale, à Shanghai et Shenzhen libellées en renminbi) de Shanghai ont effacé leur écart de valorisation par rapport aux actions H (« H shares », cotées à Hong Kong). Aux yeux des investisseurs de Hong Kong, leur potentiel d’appréciation s’en est ensuite trouvé réduit.
« La réalité est que n’importe quel nouveau produit ou système financier exige du temps pour attirer l’attention et l’acceptation des investisseurs, » estime Mark Austen. Le chief executive officer de l’ASIFMA ajoute, qu’au « regard du refoulement de la demande dès le premier jour, il n’est guère étonnant que les volumes d’échanges se soient amoindris ultérieurement. »
La fixation de quotas (agrégés et quotidiens) peut effectivement être considérée comme un frein. D’autres contraintes pourraient être levées. « Le moyen le plus simple de renforcer la demande « Southbound » est de retirer le seuil des 500 000 renminbi (en cash ou en titres) nécessaire à la participation des investisseurs de Chine Continentale au « Through Train ». C’est une barrière majeure, » insiste l’expert de CLSA. Selon une enquête réalisée par ses équipes auprès des investisseurs chinois continentaux, 90 % des répondants souhaitaient investir à Hong Kong, mais, avec l’obligation de détenir ces 500 000 renminbi, leur nombre tombait à 20 % …

Améliorations techniques en test
Des améliorations techniques aussi sont attendues. Certaines d’entre elles vont être testées rapidement, dont la possibilité de couvrir les ventes d’actions A à découvert, dès le week-end du 10-11 janvier. En mars, le Shanghai-Hong Kong Stock Connect testera également une fonction permettant de suivre précisément les participations des investisseurs en conservation (« custody »).
Le lancement de ces services apportera plus de flexibilité aux investisseurs, qui bénéficieront en outre d’une bien meilleure gestion de leurs risques.
En effet, aujourd’hui, les investisseurs souhaitant céder leurs actions A à Hong Kong doivent « pré » livrer (« pre-deliver ») leurs titres aux brokers (courtiers) un jour avant la date de l’opération de vente, dont le règlement intervient un jour après… En instaurant de la sorte un délai de deux jours – entre la livraison des titres par les investisseurs et la réception du paiement de leur ventes par leurs brokers – cette démarche crée un risque majeur de contrepartie. Une méthode aux antipodes du fameux « DVP » (« Delivery versus payment », Livraison contre paiement), selon lequel les transferts de titres et de liquidités s’effectuent simultanément, en vigueur sur la plupart des marchés réglementés.
Comme l’indique un observateur de la mise en œuvre du Shanghai-Hong Kong Stock Connect, « le « Through Train » a permis de découvrir les différences de structures entre les marchés mature de Hong Kong et en développement de Shanghai. En train de bénéficier d’échanges constructifs de savoir-faire, cette place chinoise, motivée pour avancer, se montre réceptive. »

En route pour Shenzhen
Lorsque l’étape du Shanghai-Hong Kong Stock Connect sera totalement réussie, les autres pourront être franchies plus facilement. Qui sait, les Bourses de Hong Kong et de Shenzhen seront-elles reliées d’ici un an. La connexion entre Hong Kong et Shanghai pourrait en outre être élargie aux ETF, à d’autres produits financiers, à d’autres types d’actifs, aux obligations… Un « Bond Connect » permettrait, selon Mark Austen, « d’accroître sensiblement la liquidité du marché obligataire chinois, et, ce faisant, de réduire le coût de financement des entreprises, » au moment où, justement, la volonté affichée des autorités chinoises est de l’amener à se déprécier. Les chantiers ne font que commencer.

(Publié sur www.lefevrefinance.fr ; Sylvain Lefevre Finance)