Les Français de Hong Kong s’investissent dans tous les domaines

La Capchine6communauté française est très visible à Hong Kong. Un jeu de mot en vogue est de dire « StanTropez » au lieu de « Stanley », afin de qualifier l’ancien village de pêcheurs du sud de l’île, aux divers restaurants décontractés du front de mer très fréquentés le week-end.

Impliqués dans la vie locale
« Il y a maintenant plus de Français que de Britanniques ! » s’exclament même certains habitants du « port parfumé ». Cette rumeur est démentie tout de go par Arnaud Barthélémy, Consul général de France à Hong Kong et Macao : « La communauté anglaise est toujours la première en nombre et de loin. La communauté française, estimée aujourd’hui à 17 000 personnes (dont 11 700 enregistrés au Consulat), composée d’enfants pour un tiers environ, et dont au moins les deux tiers travaillent, est bien la deuxième d’Europe. Elle dépasse cependant largement les autres communautés européennes, qui ne comptent pas plus de 4 000 ressortissants chacune . »
Il est vrai que les rangs des expatriés français à Hong Kong se sont étoffés considérablement. Depuis juillet 2003, la fin de l’épidémie du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), les arrivées de Français dans la Région administrative spéciale de la République populaire de Chine (de près de 7,2 millions d’habitants) progressent en moyenne de 5 % par an, voire même de 10 à 20 % certaines années. Depuis 2 ans, leur rythme de croissance ralentit à 3 % environ. « Il est corrélé à la hausse du PIB de Hong Kong qui s’est établie à 2,7 % en glissement annuel au troisième trimestre 2014 », remarque Arnaud Barthélémy.

Luxe, banque et infrastructures
Quels métiers viennent exercer les quelques 7 500 Français actifs de Hong Kong ? La réponse à cette questions vient nuancer quelques clichés. Non, tous les Français de Hong Kong ne s’épanouissent pas, soit dans le luxe, soit dans l’agroalimentaire, soit dans la finance (un Français sur sept y travaille environ), trois secteurs, qui, au demeurant, sont toujours en expansion.
Ils sont également mobilisés dans tous les domaines liés aux infrastructures, à la construction, aux transports, aux utilities. En témoigne le grand succès d’un événement récent (le 13 novembre), « Wise City Symposium » (symposium sur la ville « sage » ou la ville moderne de demain), qui a fait salle comble, rassemblant notamment 80 personnalités de l’administration et du gouvernement hongkongais. L’objectif de « Wise City » (http://www.wisecity.hk/), initiative lancée en février 2013 par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Hong Kong, est d’unir les forces des entreprises françaises et du gouvernement de Hong Kong afin de dessiner le visage urbain du futur de la Région administrative spéciale. L’un des défis est de relier, d’intégrer de la façon la plus efficiente possible les cinq piliers de la Cité, à savoir la construction, le transport, le traitement de l’eau et des déchets, ainsi que la plate-forme « intelligente », en d’autres termes le stockage associé à l’analyse de toutes les données concernant les dépenses d’énergie, la régulation du trafic, l’environnement, etc.
« Nous avons d’abord rencontré le gouvernement de Hong Kong afin de connaître et de comprendre ses besoins. Nous lui avons d’emblée proposé notre contribution gratuite afin de les analyser et d’en déduire les déclinaisons techniques sur le terrain. Dès lors, 250 réunions de travail se sont déroulées, dont deux séminaires très riches avec le gouvernement hongkongais, qui a en outre participé à une visite dédiée en France. En avril dernier, nous lui avons remis un document intitulé « creative solutions », fruit de nos travaux de collaboration depuis près d’un an et demi. Ce rapport dresse notre analyse de l’existant (autour des cinq composantes clés de la ville), comporte nos propositions et décrit les technologies françaises permettant de les réaliser. Maintenant, nous restons en contact étroit avec le gouvernement. Nous le rencontrerons régulièrement afin d’être informés de ses besoins, en particulier pour ses projets de développement des « New towns » (Nouvelles villes), telle Kwu Tung dans les Nouveaux Territoires, » explique Orianne Chenain, directrice générale de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Hong Kong. Une démarche similaire est en train d’être initiée par les Chambres de Commerce et d’Industrie françaises de Singapour et de Dubaï.

Terre de technologies et de jeunes entrepreneurs
L’urbanisation avisée, « wise », n’est pas la seule expression de modernité où les Français tentent de se démarquer. « Dans le numérique (« digital ») et toutes ses déclinaisons également. Ce secteur est en plein boom à Hong Kong, » insiste Orianne Chenain. Ce n’est pas un hasard si les Hongkongais, qui sont passionnés d’innovation, ont réservé un excellent accueil à l’exposition (fin novembre) « So French So Innovative », mise en musique par le Consulat général de Hong Kong. Précisément, elle présentait nombre de solutions technologiques dans … le domaine du numérique, mais aussi de la mobilité, des industries durables, des services innovants et du design.
« De plus en plus de PME françaises viennent chercher des marchés à Hong Kong, porte d’entrée et laboratoire de la Chine Continentale, » observe Arnaud Barthélémy. De plus en plus d’entreprises françaises se créent aussi. Et pour cause, elles bénéficient, sur place, d’infrastructures et de facilités adaptées, tel l’incubateur « Cyberport », ou de services d’informations gouvernementaux performants, comme InvestHK (http://www.investhk.gov.hk). L’administration est d’une grande efficacité. La plupart des démarches sont simples et s’effectuent rapidement.
« Dans cette atmosphère où tout est conçu pour la réussite des affaires, ceux qui ont le sens de l’entrepreneuriat se révèlent, » constate Orianne Chenain. « Prés de 50 % des membres de la Chambre de Commerce sont des PME, à comparer à 30 % environ il y a 5 ans. De plus en plus de jeunes de 30-35 ans extrêmement dynamiques arrivent à Hong Kong avec leur famille pour s’y installer définitivement, repartent à zéro, et créent leur entreprise,» souligne-t-elle.
Afin de les épauler dans cette aventure, la Chambre de Commerce de Hong Kong propose toute une palette de services, des études de marché à la mise en relation avec des clients ou des investisseurs potentiels, un accompagnement dans la durée avec de l’aide au recrutement. Sans oublier le « BAG » (Business Advisors Group). Ce service gratuit de conseils prodigués aux dirigeants de « start up » est animé deux fois par mois par une commission composée des plus anciens membres de la Chambre de Commerce dotés de l’expérience des marchés locaux et régionaux.
L’une des particularités de la communauté française de Hong Kong est qu’elle « est visuellement présente. Elle s’est insérée dans le tissus économique local, innovante dans des créneaux de la vie de tous les jours, tout en mettant en valeur la culture française (la cuisine, le vin, etc ) appréciée des Hongkongais, » ajoute Orianne Chenain.
Le « French May » (http://www.frenchmay.com/en/about.html), organisé par le Consulat de France à Hong Kong et Macao (depuis 23 ans), en est également une illustration. Ce festival de la culture française (expositions d’art, sculpture, cinéma, danse, musique, mode, gastronomie, etc.), qui se tient de mai à juin, chaque année plus ambitieux, est devenu incontournable. « Il a accueilli 2,3 millions de visiteurs en 2014, grâce à 350 artistes impliqués » commente  Arnaud Barthélémy.

A l’écoute et combatifs
Hong Kong fait figure d’eldorado dans de multiples domaines. Encore faut-il savoir y développer certaines qualités et étouffer certains défauts, telle l’arrogance. Elle conduit à l’échec. Comme le rappelle Laurent Dorpe, président d’Asia Private Investors Management, à « Hong Kong, cosmopolite, où vivent et travaillent des élites et des cadres du monde entier excellemment formés, la compétition est vive. Les Hongkongais ont la culture de l’efficacité. Les Chinois, très intuitifs, ont un sens inné de l’observation. »
« Les Hongkongais n’ont pas le caractère latin. Évitant les conflits, ils n’apprécient guère la confrontation directe » met en garde Louis-Vincent Gave, cofondateur de Gavekal (en 2001), société indépendante spécialisée dans l’analyse financière et la gestion financière.
Plus que parler, « il faut savoir écouter et observer, » conseille Matthieu Pirouelle, principal consultant chez Talent, chasseur de tête attentif à l’accompagnement de long terme de ses clients et des candidats qu’il recommande.
« Il faut savoir adapter son offre constamment aux besoins du marché. Aussi libéralisé que pragmatique, ce dernier évolue très vite ! » ajoute-t-il.
Alexandre Bouy, dont la mission est de développer la filiale de Fairman Consulting à Hong Kong, indique que les entrepreneurs doivent veiller « à ce que leur entreprise, susceptible de croître d’un coup très rapidement, dès lors qu’elle rencontre la faveur des Hongkongais, ne s’asphyxie pas tout aussi vite. Ce cas de figure s’observe surtout dans le commerce et dans la restauration, où les effets de mode qui aident à décoller peuvent s’essouffler. C’est un phénomène caractéristique de Hong Kong, économie hyper-dynamique au fort potentiel de consommation. »

Construire une feuille de route
Dans un tel environnement, l’amateurisme ne fonctionne pas. Construire une feuille de route est fondamental mais cet exercice ne doit pas non plus être un frein à l’expression de toute sa créativité. « Il faut se laisser aller à être soi même afin de se démarquer, se révéler, » insiste Laurent Dorpe, qui a vécu douze ans entre Hong Kong et Shanghai.
« Mieux vaut ne pas dire que l’on vient à Hong Kong pour y habiter seulement trois ans, ou une petite durée déterminée, mais bien pour y faire sa vie, » recommande en outre Louis-Vincent Gave. En effet, quel intérêt un Hongkongais trouvera-t-il à s’investir dans une relation programmée pour être éphémère ?
« Un autre investissement porteur, bientôt incontournable, est l’apprentissage du Mandarin. Le marché du travail hongkongais se sinise, » remarque Xavier Denis, global strategist pour Societe Generale Private Banking, basé à Hong Kong. Connaître les fondements de la langue chinoise et s’imprégner de sa culture facilitent la compréhension du mode de pensée de ses interlocuteurs, une aide précieuse à la négociation d’affaires mais aussi à la participation à la vie locale.

(Publié sur www.lefevrefinance.fr ; Sylvain Lefevre Finance)